14/06/2012

(extrait d'Oxygène n° 4, avril 1999)








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 Deux mois quasiment jour pour jour après la Nuit Electronique au Champs de Mars, Jean Michel Jarre nous propose de passer une Nuit iMac en musique et images 3D. L’iMac, c’est le nouvel ordinateur du constructeur Apple, et en tant que fidèle utilisateur, Jarre a profité de l’occasion du salon annuel pour tenter une nouvelle expérience.

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Les organisateurs d’Apple Expo ont fait appel à Jean Michel Jarre pour démontrer les capacités graphiques et multimédia du nouveau produit. L’engin se veut novateur, le concert se doit donc de l’être aussi ! Finies les images plates, ces diapositives que l’on projetait jusqu’à présent sur de simples toiles, les images prennent désormais du relief et en deviennent presque palpables. D’un côté, les responsables d’Apple ont droit à la plus spectaculaire des démonstrations que l’on puisse voir dans le cadre d’un salon. Il s’agit donc d’une formidable idée en termes de promotion du produit et de la marque. De l’autre, Jean-Michel se donne l’occasion d’aller encore plus loin dans la réalisation graphique de ses concerts puisque les concepts d’X<>Pose et JArKaos se concrétisent désormais en trois dimensions. L’idée flottait peut-être dans l’air depuis un moment mais cette fois, ça marche vraiment et le résultat est on ne peut plus impressionnant...

L’annonce de ce concert a été discrète, trop peut-être ; une page de publicité dans Keyboards Magazine, une mention sur le site Internet d’Apple, autant dire que seuls les inconditionnels de Jarre et les mordus du Mac en ont eu connaissance ! Pour avoir la chance d’y assister, encore fallait-il au préalable poser son inscription par Internet puis venir retirer son invitation dans le hall d’exposition pendant le salon. Les spectateurs de l’iMac Night, se doivent d’être branchés. Ce parcours du combattant pour obtenir l’invitation est à déplorer car bon nombre de fans déçus par le concert du 14 juillet auraient eu l’occasion d’apprécier la qualité de ce nouveau spectacle et peut-être de revenir sur un jugement pris un peu trop vite cet été. Car malgré les apparences, ce concert était gratuit et ouvert à tous.

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Le lieu a facilement été trouvé : ce sera l’un des grands halls du Parc des Expositions de Paris, Porte de Versailles, à proximité du salon Apple Expo proprement dit. Les organisateurs prévoient initialement 6000 personnes, puis on parle de 12 000 pour finalement s’arrêter sur le chiffre de départ. Techniquement, le nombre est contraint par les capacités du hall d’accueil et le nombre de lunettes polarisées qu’il est possible de commander. Car pour apprécier pleinement l’événement, chaque spectateur doit disposer de sa paire de lucarnes en carton et plastique. La veille du jour J, Jean Michel Jarre et son équipe ont beaucoup répété. Ce qui aurait pu au départ n’être qu’une simple démonstration, aussi spectaculaire soit elle, s’est finalement métamorphosé en concert. Du coup, Jarre et son équipe se voient obligés de travailler d’arrache-pied pour préparer l’ensemble. Du point de vue musical, le but n’est peut-être pas de faire original mais au moins d’offrir au spectateur quelque chose d’un tant soit peu vivant pour que l’expérience soit vraiment unique.

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Le lendemain, vers 17 h, on retrouve les têtes habituelles devant l’entrée du hall 8. Jean-Michel est déjà là et les portes béantes laissent passer les notes d’une ultime répétition. Petit à petit une file disciplinée se forme le long du bâtiment. Des barrières métalliques ont été dressées autour de l’entrée afin de préserver un espace pour la sécurité, mais bien vite force est de constater que l’organisation laisse un peu à désirer. Vers 20 h, en effet, une foule compacte vient s’amasser devant ces barrières. Du coup, les premiers arrivés se retrouvent relégués derrière la foule, exceptées peut-être quelques personnes qui s’étaient scotchées aux barrières dès le départ. Devant, c’est la bousculade. La foule déjà dense doit se serrer davantage afin de laisser passer... une camionnette ! Ce soir-là, des dizaines de personnes ont été à deux doigts de se faire écraser les orteils. Les VIP ont eu droit au même traitement. Malgré une énorme enseigne affichant en gros caractères « V.I.P. » à l’entrée du hall, toutes ces personnes se sont retrouvées à l’extérieur, mélangées à la foule, faute de barrières servant habituellement à orienter les spectateurs. L’homme de la sécurité chargé d’ouvrir les accès arrive alors, invitant l’ensemble des VIP à entrer immédiatement. Aussitôt un ballet de mains brandissant invitations, passes, badges, accompagné de « pardons », « laissez passer » et autres « excusez-moi » se met en mouvement. La barrière s’ouvre et se ferme : les privilégiés passent au compte goutte après avoir pris leur respiration tandis que l’impatience se fait de plus en plus ressentir parmi les spectateurs irrités par tout ce va-et-vient fort désagréable. Au bout d’un long quart d’heure, la foule peut enfin accéder à la salle.

L’entrée, avec ses murs entièrement recouverts par les affiches de l’iMac, est un passage obligé. Là, de ravissantes hôtesses distribuent les indispensables lunettes qui vont nous permettre de voir les images en relief. Puis on accède au hall. La salle est très grande. Tout au fond, à l’opposé de l’entrée on aperçoit la scène qui occupe quasiment toute la largeur du bâtiment. En traversant la salle on relève à mi-parcours, à gauche et à droite, deux zones aménagées pour les VIP et au beau milieu du hall trône la régie au centre de laquelle les joueurs d’images prendront position derrière leurs incontournables Apple Macintosh.


Comme d’habitude, les premiers rangs sont aussitôt occupés par les plus motivés tandis que derrière la salle se remplit lentement. Le flux des nouveaux arrivants cesse malgré tout assez vite. La foule se répartit uniformément, certains s’assoient à même le sol, d’autres se baladent. Finalement, la tension du dehors retombe pour laisser place à une atmosphère plutôt bon enfant, une sorte de grande retrouvaille après le concert du 14 juillet. Les images créées en direct sur les Macs sont retransmises sur cinq écrans spéciaux installés au fond de la scène, via d’énormes projecteurs vidéo capables d’envoyer deux images simultanément, l’une pour l’œil droit et l’autre pour le gauche. Les lunettes doivent permettre à chaque œil de percevoir l’image qui lui est destinée. Le décalage entre ces deux images permet au spectateur de percevoir le relief. (Pour plus de détails, se reporter à l’article correspondant de ce numéro). Justement, à peine quinze minutes avant le début du spectacle l’un de ces projecteurs rend l’âme. Il faut le remplacer à la dernière minute et faire vite. A droite de la scène les techniciens s’agitent. On tire, on hisse, on pousse... Finalement l’attente n’aura pas été trop longue et les lumières s’éteignent. Le concert peut commencer. L’occasion pour nous de rendre hommage à tous ces messieurs de la technique pour leur compétence, leur courage et leurs sueurs chaudes et froides.

Jean-Michel arrive sur scène, micro en main. Commence l’intro d’Odyssey : « Walking upside down in the sky... » On comprend aussitôt que le visuel sera le point fort de ce concert. Pour le spectateur l’effet est saisissant. Jean-Michel fait face à la caméra stéréoscopique qui le filme en direct. Son image est projetée en 3D sur les 5 écrans. Que le spectateur soit devant ou tout au fond de la salle, Jean-Michel lui apparaît aussi vrai que nature et littéralement sous son nez. L’image est nette, en couleur et absolument pas déformée !

Aucun effet informatique n’apparaît pour l’instant, mais la prouesse technologique est déjà là. Devant la caméra, Jean-Michel joue avec son micro qui pour l’occasion a été rallongé d’une longue tige. Il le dirige et le pointe devant les deux yeux de la caméra donnant l’impression au spectateur de l’avoir à portée de main. Certains en ont même eu un mouvement de recul. Un peu plus tard, durant le morceau Révolutions, c’est Emilie Jarre, la fille de son père, qui viendra nous interpréter une danse « à l’orientale » créant un effet similaire par une gestuelle de mains et bras tendus en direction de la caméra.
Tout au long du concert, des images de synthèse de type JArKaos rejoindront les prises de vue sur scène. On retrouve des images connues, celles du Champs de Mars ou de l’émission sur M6 du mois de mai. Elles sont reprises en thème en fonction des morceaux et se mèlent à de nouvelles images très intéressantes.

Et puis il y a les nouvelles animations projetées, elles, en 3 dimensions. Il ne s’agit pas de synthèse d’image traditionnelle maladroitement rajoutée aux effets de JArKaos mais bel et bien de nouveaux effets sur les images qui s’ajoutent à ceux que nous connaissions déjà. On y voit des figures géométriques, des boules, des cercles qui dansent au rythme de la musique. Mais l’effet le plus spectaculaire reste sans doute celui du tunnel qui défile à un rythme effréné sous les yeux du spectateur qui se sent comme aspiré dans une course sans fin ! Les mauvaises langues critiqueront l’aspect répétitif du visuel et regretteront le manque de diversité de ces effets. Cela ne devrait plus se produire à l’avenir puisque Jean-Michel souhaite peaufiner ces projections en créant de véritables scénarios qui s’appuieront sur une palette d’effets qui d’ici là aura eu le temps de s’enrichir. Du point de vue musical, ce concert était un savant mélange de remixes techno et de morceaux « habituels », histoire de satisfaire tout le monde. On retrouve en effet une sélection de titres d’Odyssey through O2, déjà joués lors de la Nuit Electronique, mais aussi d’anciens morceaux tels que Souvenir de Chine, Chronologie 6 ou encore l’exceptionnel Equinoxe 4.

Loin de s’affronter, les morceaux désormais qualifiés de « traditionnels » ne cohabitent pas trop mal avec les créations récentes et l’alchimie produit son effet. Le fait de placer sur le même plan ces deux catégories permet aux fans de vérifier que les vrais morceaux de Jarre ont toujours quelque chose en plus qui fait une sacréedifférence. Ceci étant, les remixes choisis sont intéressants et se prêtent à merveille à l’expression vidéo. Chacun pouvait donc y trouver son compte.

Côté musiciens, on a retrouvé la même formation qu’au Champs de Mars : Cliff Hewitt et Paul Kodish, les deux batteurs d’Apollo 440, Christopher Pappendieck à la basse depuis l’Oxygène Tour et Claude Monnet aux platines. Parmi les moments clés du spectacle, on retiendra d’abord l’ouverture : après s’être amusé avec son micro, Jarre a joué du Theremin sur l’un des remix d’Oxygène 10 de Loop Guru. Un résultat musical on ne peut plus psychédélique pour faire apparaître les premières images... Ensuite, pour Chronologie 6, il a ressorti l’accordéon. Paris Underground a été joué sans le vocoder tandis que des très belles images de gargouilles se déformaient sur les écrans. Equinoxe 4 fut bien sûr un moment d’exception et Oxygène 2 s’est vu illustré par un travail de morphing très amusant sur le visage d’une sorte d’alien. Oxygène 12 a sans grande surprise été illustré par le film en noir et blanc auquel nous avons eu droit depuis l’Oxygène Tour. Pour finir, Jarre a dédié Oxygène 13 à Steve Jobs, le PDG d’Apple, présent ce soir-là.

Pour ce rendez-vous hors du commun, nous aurions pu nous attendre à une simple démonstration mais au lieu de cela nous avons eu droit à un véritable concert d’1 h 30 environ et de bonne qualité. Le côté expérimental de l’événement a inévitablement mis en relief quelques lacunes. La qualité du son dans le grand hall métallique n’était pas des meilleures et aux dires de certains, ce concert manquait d’âme. Mais la prouesse technique a bien eu lieu : les images étaient parfaites, plus qu’impressionantes. Le spectateur en a eu plein les yeux et a forcément eu le sentiment d’avoir vécu un moment unique.

Jean Michel Jarre nous a montré qu’il savait toujours nous surprendre et repousser les limites de la technologie au service du spectacle. Si ce concert marque une étape certaine dans sa carrière en ce qui concerne l’animation visuelle, il reste maintenant à voir ce qu’il fera à l’avenir du procédé qu’il a inauguré. Nul doute que les possibilités de création multimédia s’en trouvent décuplées. Malgré les contraintes imposées, ce spectacle était sûrement une première mais probablement pas une dernière.

  Nathalie Huebner et Frédéric Esnault
 
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(Extrait d'Oxygene nr 4, Avril 1999)

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