26/03/2012

Descente de police - 1980


AVEC: JARRE (JEAN-MICHEL ANDRE) MUSICIEN & RAMPLING (Charlotte TESSA) COMEDIENNE. ‘Thierry Ardisson (l’imper mastic), Jean-Luc Maître (l’imper vert), Didier Blanchat (photo), Jean-François Gate (assistant photo), Jean-Guy Gingembre (Collaboration).

A moins d’un kilomètre de la frontière , la Jaguar freina brutalement sur l’asphalte humide et se mit en travers de la route . Les inspecteurs Ardisson et Maitre s avancèrent vers la voiture , Sony au poing . Les pales de l’hélicoptère faisaient voler les pans de leurs impermeable s . . ..

•« Comment s’appellent les habitants de Chatou? » demanda l’imper mastic. « Les Chatounais », répondit le chauffeur de la 604 (gyrophare & liaison H.F.). « Non. Les Chatousiens », corrigea l’imper vert. « Comment s’ appellent les habitants de Chatou -les Cha tounais – non -le s – Chatousiens », répéta le mini-sony. REC. OK. En traversant la Défense, les deux impers contrôlaient leur arme. Travelling sur des buildings. Chatou (France) 11/03/80. 18 h 07 Avenue Emile Augier. En coupant le contact, le chauffeur coupa Miles Davis. L ‘imper mastic claqua la portière, l’imper vert poussa le portail. Surplombant la Berge des Impressionnistes, ils découvrirent une belle demeure Napoléon III dont ils firent le tour sans trouver personne. (Chaussures cirées sur gravier mouillé. ) lIs gravirent le perron: derrière le double vitrage, un chien berger allemand les fixait. lIs entrèrent: la maison était vide. (Lampe 1930. vidéo & Videobeam. Enceintes « paravent» & radio « voiture américaine ». Tableau 50. Répondeur téléphonique & téléphone a touches. Table 70.) Bureau, coin salon & salle a manger: rez-de-chaussée, personne. Chambres à l’étage, personne. Jarre & Rampling ? Apres la 504 avec compteur (Serge Gainsbourg) et la 604 avec chauffeur (Eddy Mitchell), les deux impers n’avaient plus qu’une solution pour retrouver le couple en fuite: l’hélicoptère. Quelques instants plus tard (18 h 57), ils survolaient le château de Versailles.


 Thierry Ardisson – Ton nom ?
Jean-Michel Jarre – Jean-Michel Jarre.
Jean-Luc Maître – C’est le vrai ? .
J.M.J. – Vous voulez voir mes papiers ?
T.A. – Ne confonds pas interrogatoire et interview.
J.L.M. – D’autres prénoms?
J.M.J. – André, c’est tout.
JAMIE JARRE
T.A. – On t’appelait comment quand tu étais petit ?
J.M.J. – Jamie. J.A.M.I.E.
J.L.M. – Elle t’appelle Jamie, Rampling?
J.M.J. – Très souvent, mais ça dépend du climat.
T.A. – Elle t’appelle comme ça ta maman ?
J.M.J. – Elle, et tous les gens que je connaissais bien quand j’étais petit.
J.L.M. – Tu es né quand?
J.M.J. – 24 août 48. Trente-deux ans.
T .A. – Lion !
J.M.J. – Non, Vierge ascendant Lion. A trois heures près, j’étais Lion-Lion.
J.L.M. – Tu mesures combien?
J.M.J. – Un mètre quatre-vingts.
T.A. – Et le poids?
J.M.J. – Soixante-cinq kilos.
J.L.M. – Les yeux ?
J.M.J. – Noisette.
T.A. – Ca, c’est pour dire « marron » quand on est gentil.
J.L.M. – Les cheveux ?
J.M.J. – Jais.
T.A. – Ca, c’est pour dire « noir ».
J.L.M. — Signes particuliers ?

J.M.J. – J’ai deux .gros grains de beauté en forme d’hirondelle sur la fesse droite !
T.A. – D’accord… Et a part ça ?
J.L.M. – Tu te ronges les ongles ? Tu as des cicatrices ? Tu es myope ?
J.M.J. – Non.
T.A. – Jamais eu d’accident?
J.M.J. – Ah si! J’ai ça sur le front. Je suis tombé en patins à roulettes sur la cuvette des cabinets.
J.L.M. – Tu veux dire que tu faisais du patin à roulettes dans les cabinets ?
J.M.J. – Non, je veux dire que les cabinets étaient au fond du couloir et que la porte était ouverte.
T.A. – Tu as toutes tes dents ?
J.M.J. – J’en ai trente-deux.
T.A. – Toutes à toi ?
J.M.J. – Sauf une, en or.
J.L.M. – Devant, elles ne sont pas parfaitement blanches.
J.M.J. – Oui, je le sais: il y a des taches marron/gris ici.
T.A. – Détartrage tous les combien ?
J.M.J. – Le dernier, c’était il y a six mois.
T.A. – Et avant ? J.M.J. – C’était le premier de ma vie.
J.L.M. – Si tu pouvais changer quelque chose de ton visage ou de ton corps, ça serait quoi ?
J.M.J. – Je ne sais pas… Je ne vois pas.
T.A. Avec Gainsbourg, la réponse durait deux heures.
J.L.M. – Mitchell, une demi-heure.
T.A. – Ton type méditerranéen, ça ne te dérange pas ? Blond aux yeux bleus, ça serait pas mieux ?
J.M.J. – Non, tout va bien. II n’y a qu’une chose qui m’aurait géné, c’est d’ être couvert de poils. C’est dégouttant !
J.L.M. – A qui aimerais-tu ressembler?
J.-M.J. – Je ne sais pas… Je vois personne…
T.A. – Mais c’est quoi, pour toi, le bel homme ?
J.M.J. – Pas grand monde. Peut-être Jagger.
J.L.M. – Lieu de naissance ?
 J.M.J. – Lyon.

 LYON/BERLIN EST




T.A. – C’est grand, Lyon…
J.M.J. – En face de la gare, là où passe l’autoroute. Toutes les fenêtres de l’appartement de mes grands-parents ont été murées : on se croirait à Berlin-Est !
J.L.M. – lIs habitent toujours là ?
J.M.J. Non, ils sont morts.
T .A. ~ Et tes parents ?
J.M.J. – Ma mère a travaillé toute sa vie/ pour m’élever.
J.L.M. – Et maintenant que tu es élevé qu’est-ce qu’elle fait ?
J.M.J. – Elle a un stand aux Puces. Des robes 30, 50, 60… Charlotte s’habille là-bas.
T.A. – Et ton père ?
J.M.J. ~ Man père, c’est Maurice Jarre. II est parti de la maison quand j’avais quatre ans. On a dû se voir dix fois dans notre vie.
J.L.M. – Vous habitiez où, avec ta maman ?
J.M.J. – Porte de Vanves. Un petit deux pièces.
J.LM. Pas beau coup d’argent ?
J.M.J. – Pas du tout. C’est là que j’ai réalisé que j’avais un nom qui signifiait « argent » alors que ma mère faisait des tricots pour gagner sa vie.
T .A. – Elle habite toujours Vanves, ta maman ?
J.M.J. – Oui, toujours…
T .A. – Toujours le deux pièces ?
J.M.J. – Non, maintenant elle en a quatre: elle a pu acheter les deux pièces d’à côté.
J.L.M. – Avec l’argent que ton père lui a envoyé ?
J.M.J. – Man père ? Des qu’il a commencé à gagner bien sa vie, il est parti. C est moi qui ai payé.
T.A. – Ta maman n’a jamais eu de pension alimentaire ?
J.M.J. – La seule pension qu ‘elle ait jamais touchée, c’est celle de sa déportation.

 MAURICE & DANY


J.L.M. – Mais il a un peu d’argent, quand même ? Rien que « La Chanson de Lara », ça a dû lui rapporter pas mal ?
J.M.J. – II n’y a pas un seul restaurant dans le monde où l’on puisse entrer sans l’entendre! Mais les droits, il a partagés fifty-fifty avec Dany Saval, sa seconde femme.
J.L.M. – C’est gentil, ça.
T.A. – Cadeau de mariage ?
J.M.J. – Non, cadeau de rupture.
T.A. – Qui c’est le plus star de vous deux aux Etats-Unis, maintenant ?
J.M.J. – Moi, je pense que c’est plutôt moi. Là-bas, il est tellement devenu une institution que tout le monde croit qu ‘il a quatre-vingts ans. II y a six mois, quand « Equinoxe » est sorti aux U.S.A., il y avait une immense affiche juste sous sa fenêtre : ironie du sort…
J.L.M. – Finalement, vous vous voyez assez peu souvent ?
J.M.J. – On se voit tous les ans, chaque fois que je vais en Californie, mais il ne m ‘a jamais invité chez lui !
T.A. – C’est où, chez lui ?
J.M.J. – Beverly Hills.
J.L.M. – Tes études ?
J.M.J. ~ Lycée et licence.
T.A. – L’armée ?
J.M.J. – Quatre jours.
T.A. – Les « trois jours »?
J.M.J. – Non, quatre jours en plus des « trois jours » qui en fait durent deux jours…
T.A. – Reformé ? Pourquoi ?
J.M.J. – Pas envie de perdre un an.
T.A. – C’est sûrement pas ce qui est écrit sur ton livret militaire !
J.L.M. – Pourquoi ne t’ont-ils pas accepté ?
J.M.J. – La folie, le coup classique… C’est la seule fois de ma vie où j’ai eu les cheveux courts !
T.A. – Maintenant c’est ton look, ça marche comme ça, tu ne peux plus les couper…
J.M.J. – Avant la mode et après la mode, j’ai toujours eu les cheveux longs !
CHOPIN DU SYNTHE
T.A. – Mais si, pour des raisons marketing, il fallait les couper ?
J.M.J. – Je ne me suis jamais posé la question comme ça.
J.L.M. – La longueur de tes cheveux, c’est pour contrebalancer la froideur de ta musique: le plan « Chopin du synthé » ?
J.M.J. – Euh… peut-être.., mais alors, inconsciemment…
J.L.M. – Pour tes vêtements, j’ai l’impression que c’est comme pour tes cheveux : tu es à côté des modes.
T.A. – Ta chemise ?
J-M.J. – C’est une chemise genre américaine… Mais en velours… Mais avec du padding…
J.L.M. – Ton jean?
J.M.J. – Western House.
J.L.M. – Il est pas un peu pat d’eph’?
J.M.J. – Non-non, il est presque droit, il est pas large !
J.L.M. – Ah bon?
J.M.J. – Il est droit, j’aime pas le large!
T.A. – Un peu pat d’eph’, quand même… Remarque, ça va bien avec tes boots…
J.L.M. – Les talons, ils font combien ?
J.M.J. – Ils sont assez hauts…
J.L.M. – Cinq centimètres.
T .A. – Et tes vestes, qui te les coupe ?
J.M.J. – Je les achète en confection. Je déteste le sur mesures : c’est toujours raté.
J.L.M. – Ca dépend…
T.A. – Mais tu les a achetées où, ces vestes ?
J.M.J, – Chez Hechter. A Parly II.

 CHAUSSETTES & PSYCHEDELIOUE

J.L.M. – Qu’est-ce que tu portes comme sous-vêtements ?
J-M.J. – Ben, par exemple, l’année dernière j’ai rapporté dix paires de chaussettes Mickey de Californie, et des chaussettes peintes dans le genre psychédélique par un peintre hyper-réaliste.
T.A. – Tee-shirts ?
J-M.J. – Jamais.
T.A. – Slips?
J.M,J, – Slips ? Euh.., Dim.
T.A, – En nylon !
J.M.J. – Un peu… Euh…
T.A. Fais attention, c’est dangereux !
J.M.J. – Je crois que c’est en espèce de coton.
J.L.M. – De toute façon c’est mélangé, et c’ est pas très sain,
T.A. – Ils sont blancs, au moins ?
J.M.J. – J’en ai de toutes les couleurs.
J.L.M. – Et le sport ? Tu fais du sport ?
J.M.J. – J’en ai fait pas mal, j’ai même fait 10″9 aux 100 mètres. A dix-huit ans. J’étais content.
T.A. – Et maintenant ?
J.M.J. – Beaucoup de badminton dans le jardin,
J.L.M. – Tu fumes beaucoup ?
JM.J. – Non, je suis un fumeur du dimanche.

 GATEAU PIEGE



T.A. – Drogues, tu as goûté à tout ?
J.M.J. – Non. Il y a des trucs, tu sais d’avance que c’est la destruction.
J.L.M. – Le L.S.D., aussi ?
J.M.J. – Je me suis fait piéger.
T.A. – Comment?
J.M.J. – Dans du gâteau, le coup classique.
T.A. – Symptômes?
J.M.J. – Je voyais des trucs…
J.L.M. – Quoi, par exemple?
J.M.J. – Je sais plus…
T.A. C’était bien la peine!
J.L.M. – Et maintenant, tu as une carte d’électeur?
J.M.J. – Oui. D’ailleurs, la dernière fois, j’ai voté pour la première fois.
T.A. – Pour qui ?
J.M.J. Ecologiste.
T.A. – Et au deuxième tour ?
J.M.J. – J’ai pas voté.
J.-L.M. – Pourquoi ?
J.M.J. – On peut n’être ni pour Giscard, ni pour Mitterrand.
T .A. – Tu jouerais I’Humanité ?
J.M.J. – L’Humanité, l’U.D.F., n’importe quoi…
T .A. – Et l’Eurodroite ?
J.M.J. – Ca, non.
HUMANITE/EURODROITE
J.L.M. – L’Humanité, mais pas l’Eurodroite ?
J.M.J. – C’est pas pareil: la Fête de I’Humanité, c’est la Foire du Trône.
T.A. – Et si l’Eurodroite organisait aussi une grande fête-merguez ?
J.M.J. – ça ne serait pas pareil…
J.L.M. De toute façon, tu ne fais pas beaucoup de concerts…
J.M.J. – On a décidé, avec Charlotte, de ne pas déséquilibrer notre vie. Elle ne fera pas plus d’un film par an, et moi pas plus d’un disque ou un concert.
J.L.M. – C’est à cause de ton travail que ton premier mariage n’a pas marché ?
J.M.J. – Non, tout simplement une incompatibilité de caractère.
T .A. – Et ton meilleur ami, qui c’ est ?
J.M.J. – Personne le connaît, c’est un pote qui a un petit garage .
J.L.M. – Et à part ça?
J.M.J. – Folon, c’est un très bon copain. Il y a aussi Lartigue, le photographe.
T .A. – Et des gens connus de ton âge ?
J.M.J. – …J’en ai pas!
J.L.M. – Pourtant, ici, vous avez assez de place pour recevoir beaucoup de monde.
T.A. – Surface habitable ?
J.M.J. – Huit cents mètres carres.
T.A. – Le parc ?
J.M.J. – Quatre mille.
J.L.M. – Tu l’as achetée, ou tu la loues?
J.M.J. – Elle est à moi.
T .A. – Cher ? Combien ?
J.M.J. Cent-soixante.

 CREDIT VINGT ANS


J.L.M. – C’est pas cher du tout. Il y a long temps que tu l’as achetée ?
J.M.J. – Entre le premier et le deuxième tour des élections. Prudence. Ha! Ha! Ha ! Le type ne s’en est jamais remis.
T.A. – Tu ne savais pas pour qui voter, mais tu savais quoi acheter !
J.M.J. – Super-affaire, non ?
J.L.M. – Cash ou crédit?
J.M.J. – Crédit sur vingt ans.
J.L.M. – Longue carrière… Surtout qu’il doit vous falloir du personnel, ici.
J.M.J. – Il y a un régisseur, une femme de ménage et une nurse.
T .A. – Pas de cuisinière ?
J.M.J. – Non, c’est la nurse qui fait la cuisine.
J.L.M. – Ah bon… Et Rampling, elle ne la fait jamais ?
J.M.J. ~ ça lui arrive.
T .A. – La Mercedes verte, tu la lui as offerte ?
J.M.J. – C’est ça, oui. Moi, j’ai la Jag grise .
J.L.M. ~ Le soir, Chatou-Croissy, ça doit pas être très gai. Heureusement, vous devez beaucoup sortir.
J.M.J. – Pas vraiment. La dernière fois, c’était la soirée à Vogue Homme » organisée pour nous au 78.
T.A. – Régine ?
J.M.J. – Il y a si longtemps.
T.A. – Les Bains-Douches ?
J.M.J. – Une fois, je crois…
T.A. – La Main Jaune ?
J.M.J. – Connais pas.
J.L.M. – Finalement, tu préfères rester ici avec Rampling et les trois enfants… Tu n ‘ aimes plus sortir ?
J.M.J. – Je n’aime plus les boites! Le bruit, les éclairages : Ca me rend malade !
T .A. – Mais tu aimes danser, quand même ? Lors de la soirée « Vogue Homme », vous avez dansé ?
J.M.J. – Si peu.

PAS TRAVOLTA

J.L.M. – Un slow ?
J.M.J. – Non, des jerks, rapides.
T .A. – Tu danses bien ?
J.M.J. – C’est pas Travolta, mais c’est pas mal.
J.L.M. – Tu t’intéresses à quoi, a part la musique ?
J.M.J. – La vidéo, le cinéma, la moto, les jeux électroniques et la télé.
T.A. – Quoi, à la télé ?
T.A. – Tout.
J.L.M. – Tu regardes « Chorus » ?
J.M.J. – C’est moins bien que « Top of the Pops », mais c’est mieux que les Carpentier !
T.A. – Et après la télé, vous faites quoi, le soir ? Vous écoutez de la musique ?
J.M.J. – Ca arrive, oui.
T .A. – Tu écoutes les disques de ton père ?
J.M.J. – Non. J’ai peut-être « Jivago » qui traîne dans un coin, mais c’est tout.
J.L.M. – Tu n’aimes pas beaucoup ce qu’il fait ?
J.M.J. – Depuis « Jivago », c’est rien, inexistant. Il a été pris au piège américain. Trop d’argent.
J.L.M. – Et toi tu as commencé comment ?
J.M.J. – En 60/62, juste après les Chaussettes Noires, mais j’étais beaucoup plus branché sur les trucs anglais.
T .A. – Ton premier groupe s’appelait comment ?
J.M.J. – Les Mystère IV.

 ST RAPHAEL/ST TROPEZ


T .A. – Déjà très moderne ! Et puis ?
J.M.J. – Les Dustbins, et puis des tas d’autres qui ne se formaient que pour aller galérer l’été dans le Midi, à La Playa de Saint Raphaël ou au Papagayo de Saint Tropez…
J.-L.M. – Tu as fait le Tremplin du Golf Drouot ?
J.M.J.. – Non, mais j’ai fait le tremplin du Salon de l’Enfance avec les Mystère IV, et on a battu les Haricots Rouges !
T.A. – Tu t’intéressais déjà à l’électronique ?
J.M.J. – Je faisais déjà des trafics sur un tout petit Grundig. J’enregistrais des bandes.
J.L.M. – Tu apprenais la technique? Au début, ça devait être dur…
J.M.J. – Question circuits intégrés, j’en sais pas plus aujourd’hui. L ‘électronique, moi, j’y connais rien.
Les deux impers (un mastic et un vert) avaient interrogé Jarre dans la Jaguar en rentrant, ils recommencèrent avec Rampling dans le living en arrivant (20 h 27). Elle leur proposa du Crystal Roederer , mais ils acceptèrent du Perrier (de l’eau pour les impers). REC. ON. START. PLAN FIXE.
Jean-Luc Maître – Rampling, Charlotte : c’est ça ?
Charlotte Rampling – Bien sûr
Thierry Ardisson – Pas d’autres prénoms ?
C.R. – Si Tessa
JLM Date de naissance ?
C.R. Je suis née le 5 février 1946.
T.A. Verseau. Ascendant ?
C.R. Verseau-Verseau
T.A. Et ça te fait quel âge ?
C.R. Entre trente-deux et trente-quatre…
JLM Trante-quatre. Tu es née où ?
C.R. A Cambridge. En Angleterre.
JLM Tes parents ?
CR Mon père était colonnel, et ma mère sa femme.
TA Dans l’armée des Indes ?
CR Non, pas du tout. Le seul voyage exotique que nous ayons fait était la France.
JLM Des frères ? Des sours ?
CR Une soeur.
TA Qui fait quoi ?
CR Elle est morte…
JLM Tu mesures combien ?
CR Five feet/seven inches. En mètres, je sais pas…
TA – Un mètre soixante-neuf. Et tu pèses ?

 MAIGRE


CR – En pounds, je sais pas. En kilos, quarante-sept.
JLM Tu es de plus en plus maigre, ou de plus en plus grosse ?
CR – Quand j’étais en puberté, j’étais un peu plus lourde et plus épaisse : soixante kilos. Mais depuis l’âge de dix-huit ans, je fais le même poids.
TA Couleur de cheveux ?
CR C’est celle-là… Vison, quoi.
TA Mais des visons, y’en a des noirs, des bruns, des blancs…
CR Je sais pas… Vison clair.
JLM Teinture ou nature ?
CR Pour « Les Damnés » je me suis fait faire des mèches, mais c’était trop un galère. J’ai pas la patience de me mettre trois heures chez un coiffeur pour me teinter les cheveux.
TA Les cheveux plus courts, comme aujourd’hui, c’est une idée de Jarre ?
CR Non, d’ailleurs il était contre.
JLM Tes yeux, c’est quelle couleur exactement ?
CR Ils sont gris-vert, avec des taches de rousseur dedans.
TA Signes particuliers ?
CR Non
JLM Tu n’as jamais été opérée ?
CR – Ah… Oui… L’appendicite !

CICATRICE SARDE



TA Tu vois bien que tu as des signes particuliers !
CR Oui, une cicatrice ici. J’ai eu une péritonite en Sardaigne.
JLM En Sardaigne ! Elle doit être belle, ta cicatrice !
CR Il y avait des moutons dans l’hôpital, la campagne ! Heureusement, ils me l’ont faite très basse : elle est dans le slip.
TA Qu’est-ce que tu aimes le moins dans ton visage ?
CR Au début, ce que j’aimais le moins, c’était mes yeux. Dans les Sixties, la mode c’était les big wide open eyes comme Shrimpton. Je trouvais les miens trop petits, mais maintenant qu’ils m’ont rendue riche et célèbre, j’ai fini par y croire. J’avais les paupières qui tombaient, mais en vieillissant elles tombent moins. Peut-être quand je serai plus vieux, ça va retomber…
J.L.M. – Et tes dents, elles ont l’air de te poser des problèmes ?
C.R. – Mes dents sont affreusement mauvaises, une horreur, depuis d’âge de je sais pas quand.
J.L.M. – Plombages? prothèses ?
C.R. – On dirait que mes dents sont faites avec de la craie.
J.L.M. – Combien de fausses ?
C.R. – Elles sont toutes abimées, mais elles sont toutes vraies sauf les quatre de devant.
T .A. – Mais tu te laves les dents trois fois par jour, quand même ?
C.R. – C’est pas du tout un problème d’hygiène, c’est mon hérédité.
T.A. – Mais tu te fais détartrer les dents trois fois par an, quand même ?
C.R. – Non, je les change avant qu’elles soient sales! Hi! Hi! Hi !
J.L.M. – Et sous les bras, tu te rases tous les combien ?
C.R. – Je me rase pas, je me fais épiler. A la cire. Chaque deux mois.
T.A. – Ca doit faire mal, pourquoi tu fais ça ?
C.R. – ça fait une plus jolie silhouette. On peut apprécier une femme sans poils ou avec poils. Moi je l’apprécie plus sans poils.
J.L.M. – Et Jarre, il se rase sous les bras ?
C.R. – Il n ‘a pas de poils de corps, mais il aurait pu : il est tellement brun !

 CHEZ AUDREY

T.A. – Tu te fais faire des masques ?
C.R. – J’ai un petit magasin de beauté à Chatou, Chez Audrey. Elle me fait des masques et des crèmes pendant des heures… et quand je rentre, je pense que je suis rajeunie.
T.A. – Tu t’habilles aussi à Chatou ? C.R. – Non, à Londres, chez Bruce Oldfield. C’est le couturier numéro un en Angleterre. Je l’ai connu à ses débuts il y a dix ans. C’est un ami.
J.L.M. – Et a part toi, quelles autres stars il habille ?
C.R. – Jacqueline Bisset s’habille un peu avec lui, et puis un peu la Jet Society londonienne.
T.A: – Tes chaussures aussi sont anglaises ?
C.R. – Non, américaines. Elles viennent de Jag, à Manhattan.
J.-L.M. – Et tes viennent d’ou ?
C.R. – Les soutien-gorge, il n ‘y a pas longtemps que j’en porte. Pendant les Sixties j’étais « no bra », et puis dans les pulls je me suis aperçue que ça commençait à tomber un peu, j’avais la silhouette un peu bas…
T .A. – A trente ans ?
C.R. – Si.
J.L.M. – A part ça?
C.R. – Une culotte, et voilà.
T.A. – Pas de collants ?
C.R. – Ah oui/Si, bien sûr.
J .-L.M. – Un collant sous un pantalon !
C.R. – Bien sûr que non, mais quand je porte des robes, je porte des collants.
J.L.M. – Tu ne trouves pas ça malsain, les collants ?
C.R. – J’ai commence dans les Sixties avec la mini-jupe. Depuis, j’ai l’habitude.
T.A. – Moi, j’arrive pas à imaginer une vraie star en collants…
C.R. – Vous voulez que je porte des jarretelles ?
T.A. – Les jarretelles, c’est obscène.
C.R. – 1l n ‘y a pas de solution.

Davidoff/Disque BLEU

J.L.M. – Apparemment, pour arrêter de fumer, t’ as pas trouvé de solution non plus.
C.R. – Je fume pas beaucoup-beaucoup. Je suis pas addictée du tout. Cinq-six cigarillos Davidoff par jour.
T.A. – Tu n’as toujours fumé que ça ?
C.R. – Non, avant je fumais des Disque Bleu.
J.L.M. – A part le tabac, tu as pris d’autres drogues ?
C.R. – Non. Aucune. Sauf peut-être un peu de hash… 1l y a très longtemps… Mais j’ai tout de suite arrêté… je déteste de ne pas être under control.
J.L.M. – Le coup du LSD dans le gâteau, on te l’a jamais fait ?
C.R. – Non, l’acide, jamais. Déjà, je pars très vite avec l’alcool/ Je ne veux pas monter et descendre, je préfère garder mon équilibre…
T.A. – C’est pour ça que tu fais du sport?
C.R. – Je fais du vélo, je fais mes courses en vélo, je vais chercher les enfants à l’école en vélo. Et l’été, nous faisons du badminton.
J.L.M. – Ca vient d’ou, ce goût du sport ?
C.R. – De mon père. C’était un grand sportif. 1l a eu une médaille d’or. En 36. A Berlin. Au 4 fois 400. 1l a fait une course extraordinaire / 1l est dans le film de Leni Riefensthal
T.A. – Bon. Ok pour le stade. Et l’église?
C.R. – Pas l’église, le temple / Je suis anglicane, Church of England, mais je ne pratique plus. Pendant les Sixties, je me suis intéressée à toutes les religions, je pense que chacun doit trouver sa voie…

KABOUL/HOLLYWOOD


J.-L.M. – C’est pour lia que tu as fait la route ?
C.R. – Oui. En 68, après « Les Damnés », j’ai eu besoin de faire le point sur ma vie. C’est comme ça que je me suis retrouvée en Asie, à Kaboul.
T.A. – Quel genre de vie menais-tu ?
C.R. – Très rough, nous vivions avec les paysans.
T.A. – Pas de hippies?
C.R. – Si-si, il y en avait…
J.-L.M. – Mais toi, tu ne vivais pas avec les hippies ?
C.R. – Ce n’était pas la même vie, nous avions un peu plus d’argent.
T .A. – Mais tu en as vu, quand même ?
C.R. – Evidemment, mais ils n’étaient pas très intéressants. Je voyais que leur trip était un genre de piège très négatif qui pouvait devenir dangereux .
T.A. – Dangereux, les hippies?
C.R. – Beaucoup se sont complètement détruits. Je ne voulais pas me retrouver comme tous ces abrutis. Farce qu’ils étaient abrutis. IIs étaient morts. IIs ne pensaient qu ‘ à leur prochaine dose. C’ était un genre de trip pas très amusant du tout. C’est pour ça que je suis partie à Hollywood.
J.L.M. – Beverly Hills, ça a dû te changer, non ?
C.R. – Je ne suis pas vraiment rentrée dans le système hollywoodien, je suis restée on-and-off pendant un an, ce n’était pas très drôle. Ce n’était plus les Sixties, c’était les Seventies: le mood hippie était devenu drogue, malsain et violent.
J.L.M. – Londres en 64, Kaboul en 68 et Los Angeles en 70: ce qui est très étonnant, c’est que chaque fois tu aies réussi à passer à côté de la drogue !
C.R. – Sans doute mon éducation, ou mon instinct de survie… Et puis, surtout, j’ai rencontré mon premier mari après la Californie. A ce moment-là, j’avais besoin de quelqu’un de sain, d’ordinaire, ayant les deux pieds bien par terre, et il était tout cela.
T.A. – II travaillait dans le cinéma ? ,
C.R. – Non, il avait un bureau de relations publiques. II avait un appartement, et je n’en n’avais pas.
J.L.M. – C’était en quelle année ?
C.R. – On s’est mariés en 72, parce que j’étais enceinte. Je ne voulais pas faire trop de peine à mes parents. J’ai eu l’enfant, et puis durant à peu près deux trois ans j’ai tourné huit films ! Quand j’ai fait « Portier de Nuit », mon fils avait trois mois! Après, il y a eu «Zardoz», «Le Passager », « La Chair de l’orchidée », « Orca », « Le Taxi Mauve » et « Adieu ma Jolie ».
T.A. – II en manque !
C.R. – « Fox Trot », mais il n’est jamais sorti.
T .A. – Tu ne devais pas le voir souvent, ton mari ?
C.R. – C’est ce qui nous a séparés.

 PRINCE CHARMANT

J.L.M. – C’est là que tu as rencontré Jarre.
C.R. – Oui, pendant un dîner chez des amis, dans le Midi.
T.A. – Cette fois, tu avais enfin trouvé le Prince Charmant ?
C.R. – Tous mes premiers flirts étaient des grands blonds aux yeux clairs, et puis regardez Jean-Michel : c’est tout le contraire !
J.L.M. – Alors, qu’est-ce qui t’as plu chez lui ?
C.R. – II a une énorme virilité en même temps qu ‘une extrême finesse .
T.A. – C’est quoi, la virilité ?
C.R. – C’est-à-dire… C’est-à-dire,.. C’est-à-dire, pour moi il affronte la vie avec lucidité. II sait transformer le négatif en positif.
J.L.M. – Ca s’est passé comment ?
C.R. – Pendant le dîner, Jean-Michel a du noter que je devais remonter le lendemain à Paris pour faire la promotion de « Adieu ma Jolie ».
T.A. – Il t’a appelée ?
C.R. – Oui, il m’a appelée à mon hôtel pour m’inviter à dîner.
J.LM. – Et tu as accepte ! Tu n’imaginais pas ce qui pouvait arriver ?
C.R. – Quand on accepte une invitation à dîner de quelqu’un d’autre que son mari et que ce n’est pas un repas d’affaires, on sait à quoi s’attendre, non ?
J.L.M. – Tu te souviens de l’endroit ou vous êtes allés dîner ?
C.R. – C’était chez des amis.
T.A. – Et au dessert ils sont partis, ils vous ont laissés tous les deux.
C.R. – Euh… En fait, ils n’étaient pas là.
J .-L.M. – C’ était un coup monté, alors ?
C.R. – Oui… peut-être… un peu.
T.A. – Par qui ? C.R. – Peut-être un peu par moi.
J .-L.M. – Il ne se doutait de rien, lui ?
C.R. – Hi! Hi! Hi! Si, sans doute !
T.A. – Vous avez dîné ou, finalement ?
C.R. – Je pense que nous avons fait autre chose !
J .-L.M.’ – Et après ? C.R. – Nous avions l’appartement pour le week-end.
T.A. – Et après ? C.R. – Et après, j’ai quitté mon mari… Bien sûr, il y avait les enfants, mais c’était plus fort que moi.
J.L.M. – C’était ton premier musicien ?
C.R. – Non, mais les autres n’étaient pas connus, ou alors il n’étaient pas musiciens ! J’ai toujours adoré les musiciens. J’ai même accompagné une tournée de Joe Cocker aux Etats-Unis. C’était bien.
J .-L.M. – Ah bon, tu chantais ?
C.R. – Non, pas vraiment…
T .A. – Quels sont tes amis, à part ceux qui t’ avaient prêté l’ appartement ?
C.R. – Dirk Bogarde, Jean-Michel Folon, Philippe Noiret, Jacques-Henri Lartigue : ça, c’est les plus connus.
J.L.M. – Avec Woody AlIen, comment ça s’est passé ?
C.R. – II deviendra sûrement un ami.

 STAR Ménagère


T.A. – Qu’est-ce que tu fais ici, toute la journée, quand Jarre s’enferme dans son studio et que tes amis ne sont pas la ?
C.R. – Bof, je m ‘ occupe de la maison.
T .A. – Star ménagère !
C.R. – Non, pas ménagère : maîtresse de maison.
J.L.M. – Tu as suffisamment de domestiques pour avoir des loisirs ?
C.R. – Ca me laisse le temps de m’occuper de mes photos.
T.A. – Et à part Jarre pour « Vogue Homme », tu prends quoi en photo ?
C.R. – Je ne veux pas faire une carrière de photographe full-time, mais après le chose de « Vogue» j’ ai eu pas mal de propositions. Je devais faire la publicité de Mercedes, malheureusement j’avais un film en même temps. C’est dommage, j’adore les Mercedes. D’ailleurs, j’en ai une… Un cadeau de Jean-Michel.
J.L.M. – Et avant, t’avais quoi?
C.R. – J’ai commence avec une TR 3, après j’ai eu une Lotus Elan et puis une série de Cooper s. Au début de mon premier mariage, j’avais une déjà grosse Mercedes, et à la fin…
T.A. – Quoi ? C.R. – C’est sans intérêt.
T.A. – Quoi ?
C.R. – Un Renault.
J.L.M. – 30 ?
C.R. – Non,16.
J.L.M. – C’était vraiment la fin…
T .A. – Et le soir, vous sortez ?
C.R. – Je n’aime plus les boites. Le bruit, les éclairages, ça me rend malade.

 TWIST/HULLY GULLY


T.A. – Tu n’aimes pas danser ?
C.R. – J’aimais danser. De dix-huit à. vingt-quatre ans, je sortais tous les soirs. Shake, twist, hully-gully…
J -L.M. – Tu ne danses jamais avec Jean-Michel ?
C.R. – Nous avons dansé un slow au 78 le soir de la soirée « Vogue Homme ».
T.A. – Lui dit qu’il n’a jamais dansé de slow avec toi.
C.R. – Euh… oui, c’est vrai, il m’a pas fait danser… Je disais ça parce que je voulais véritablement danser un slow avec lui…
T.A. – Mais au Bal Proust, au château de Ferriere, tu as dansé ?
C.R. – Oui, ce soir-là. je n’étais pas attachée, j’ai dansé avec Patrick Litchfield, David Bailey, David de Rothschild. . .
J.-L.M. – Vous dormez dans des lits jumeaux ?
C.R. – Non, dans le même lit.
T .A. – Tu t’habilles pour dormir ?
C.R. – La nuit, je porte une robe de jour, toujours la même.
J.L.M. – Et quand tu la donnes à laver ?
C.R. – Une autre, mais le même genre. Les trucs longs, c’est complètement pas pratique, ça remonte. Et avec les choses courtes comme les tee-shirts, je me sens trop vulnérable .
T.A. – Et puis quand tu te leves, c’est plus correct pour les enfants.
C.R. – C’est pas pour les enfants, c’est pour les domestiques.
J.-L.M. – Ca ne te dérange pas que tes enfants te voient toute nue ?
C.R. – Pas du tout. T .A. – Tu leur montrerais « Portier de Nuit » ?
C.R. – Surtout pas. ça les troublerait.
J.L.M. – Tu referais « Portier de Nuit », aujourd’hui ?
C.R. – Je pense que oui.
T .A. – Tu te déshabillerais encore ?
C.R. – ça dépendra quel réalisateur me le demande.
J.L.M. – Ce n’est pas une question d’argent ?
C.R. – Bien sûr que non.
T .A. – Tu gagnes combien par film ?
C.R. – Entre cent et trois cent mille dollars.
J.L.M. – Des deux, c’est qui le plus riche ? Jarre ou toi ?
C.R. – Sûrement lui. Avant « Number Four », le film que je tourne avec Woody Allen en ce moment, il y avait deux ans que je n’avais pas travaillé.
T.A. – Tu crois que Jarre ferait un bon Comédien ?
C.R. – Non.






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